Le Burundi est actuellement englué dans une crise économique d’une ampleur inédite, aggravée par une dévaluation abrupte de sa monnaie nationale, le franc burundais (BIF). Entre 2023 et 2024, le BIF a enregistré une perte d’environ 25 % de sa valeur par rapport au dollar américain, une dépréciation alarmante qui a ébranlé les fondements de l’économie nationale. Cette dévaluation, résultant d’une conjoncture complexe associant des facteurs internes et externes, a eu des répercussions dévastatrices sur l’ensemble des secteurs économiques, accentuant la précarité d’une population déjà aux prises avec de nombreux défis. Sur le marché noir, le dollar américain a atteint un taux de change record de 7 000BIF, exacerbant encore davantage les tensions économiques. Point avec notre collègue Amos NGABIRANO, contributeur dans notre campagne KAZOZA KACU.

Pourquoi la dévaluation de la monnaie ?

La dévaluation du franc burundais découle de plusieurs facteurs intrinsèquement liés. Au cours de l’année 2024, la Banque de la République du Burundi (BRB) a signalé une réduction drastique des réserves de change, lesquelles ont chuté à 120 millions de dollars, soit une diminution de 30 % par rapport à 2023. Cette contraction des réserves résulte d’une demande croissante de devises étrangères, notamment le dollar américain, pour financer des importations vitales, alors que l’offre est demeurée restreinte.

L’inflation, ayant culminé à 18 % en 2024 selon l’Institut des Statistiques et des Études Économiques du Burundi (ISTEEBU), a également contribué à l’érosion de la valeur du franc burundais. Cette inflation galopante, alimentée principalement par l’augmentation des prix des denrées alimentaires et du carburant, massivement importés, a exacerbé la situation. Par ailleurs, le déficit commercial du Burundi a atteint 1,2 milliard de dollars en 2024, soit une hausse de 15 % par rapport à l’année précédente. Ce déficit reflète une dépendance accrue aux importations et une diversification insuffisante des exportations, dominées par le café et le thé, dont les cours stagnent sur les marchés internationaux.

Les tensions politiques internes ont également sapé la confiance des investisseurs étrangers. Selon un rapport de la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED) publié en avril 2024, les investissements directs étrangers (IDE) au Burundi ont chuté de 40 % en un an. Le Président Évariste NDAYISHIMIYE a reconnu publiquement en janvier 2024 que la situation économique actuelle exige des réformes profondes pour rétablir la confiance des investisseurs et stabiliser notre monnaie.

Conséquences sur l’économie et le libre marché

La dévaluation du franc burundais a eu des répercussions considérables sur l’économie burundaise, impactant particulièrement le libre marché. La dépréciation de la monnaie a entraîné une flambée des prix des biens de première nécessité. En février 2024, le prix du riz importé a grimpé de 35 % par rapport à l’année précédente, tandis que celui du carburant a augmenté de 50 %, rendant les produits de base inaccessibles pour une grande partie de la population. Selon l’ISTEEBU, plus de 70 % des Burundais vivent désormais sous le seuil de pauvreté, soit une augmentation de 10 % depuis 2023.

Les entreprises locales, déjà sous pression, ont été contraintes de réduire leurs activités, voire de fermer, en raison de la hausse des coûts de production. Le secteur manufacturier a enregistré une baisse de 25 % de sa production en 2024, selon les données du Ministère du Commerce. Cette contraction a conduit à la perte de milliers d’emplois, aggravant le taux de chômage, qui a atteint 20 % en 2024.

Le libre marché, pilier fondamental d’une économie compétitive, a été gravement affecté. En raison de l’incertitude monétaire et des fluctuations des taux de change, les transactions commerciales sont devenues de plus en plus risquées. Le Gouverneur de la BRB a souligné lors d’une conférence en mars 2024 que la volatilité de notre monnaie compromet la capacité des entreprises à planifier leurs investissements et à participer pleinement au marché global.

De surcroît, l’augmentation du coût du service de la dette publique, libellée en devises étrangères, a alourdi le fardeau financier de l’État burundais. En 2024, le service de la dette a absorbé près de 40 % du budget national, limitant ainsi les capacités de l’État à investir dans les infrastructures et les services publics essentiels. Cette situation compromet l’état de droit, en réduisant la capacité du gouvernement à honorer ses obligations financières et à assurer la stabilité économique.

Comment s’en Sortir ?

Face à ces défis, plusieurs mesures doivent être envisagées pour stabiliser la situation économique. Il est impératif d’investir dans des secteurs à forte valeur ajoutée afin de réduire la dépendance aux marchés étrangers et de stabiliser les recettes en devises. En 2024, le gouvernement a annoncé un plan de diversification agricole, visant à augmenter la production de cultures comme l’avocat et le soja, avec l’objectif d’accroître les exportations de 20 % d’ici 2026.

Pour maîtriser l’inflation et stabiliser la monnaie, des politiques monétaires rigoureuses doivent être adoptées. En février 2024, la BRB a augmenté ses taux d’intérêt de 200 points de base pour contenir l’inflation, une mesure nécessaire mais insuffisante sans une réforme structurelle du système financier.

Sur le libre marché et l’état de droit

Pour instaurer un environnement propice au libre marché, la simplification des procédures administratives et l’octroi d’incitations fiscales constituent des leviers essentiels pour stimuler l’investissement, tant local qu’étranger. La lourdeur bureaucratique au Burundi a longtemps entravé l’initiative entrepreneuriale, dissuadant les investisseurs potentiels par des délais interminables et des formalités complexes. Conscient de ces obstacles, le gouvernement burundais a présenté en avril 2024 un projet de loi ambitieux visant à réduire le délai de création d’entreprise de 90 à 30 jours. Cette réforme s’inscrit dans une stratégie plus large visant à assouplir le climat des affaires, à réduire les coûts de transaction, et à favoriser la compétitivité. Outre l’accélération des processus administratifs, le gouvernement a également prévu des allégements fiscaux pour les nouvelles entreprises, en particulier celles opérant dans des secteurs stratégiques tels que l’agriculture et les technologies de l’information.

Ces mesures, si elles sont mises en œuvre efficacement, pourraient non seulement dynamiser l’entrepreneuriat local, mais aussi attirer des investissements étrangers indispensables à la relance économique du Burundi. Le renforcement de l’État de droit est primordial pour la stabilité économique du Burundi. Garantir le respect des contrats, lutter contre la corruption et renforcer les institutions judiciaires sont des éléments essentiels pour attirer et sécuriser les investissements. En mars 2024, le Ministre de la Justice a déclaré que la réforme de notre système judiciaire est une priorité pour restaurer la confiance des investisseurs et assurer une croissance durable. Ces réformes visent à créer un climat de confiance où les droits de propriété sont protégés, et où les entreprises peuvent opérer dans un cadre légal transparent et équitable, indispensable pour un développement économique pérenne.

En somme, bien que la dévaluation du franc burundais ait des effets dévastateurs, elle pourrait néanmoins offrir une occasion de refondation de l’économie burundaise. Les défis sont certes nombreux, mais à travers des réformes ambitieuses, un engagement renouvelé en faveur du libre marché, et un renforcement de l’État de droit, le Burundi peut restaurer sa stabilité et poser les bases d’une croissance durable. Le chemin sera ardu, mais avec une volonté politique affirmée et le soutien de la communauté internationale, le Burundi peut aspirer à sortir de cette crise plus fort et plus résilient.

A propos de nous :

Institute for Economics and Enterprises est une Think Tank basé au Burundi qui une mission de produire une société basée sur les principes du libre marché, de l’Etat de droit et de la propriété privée.

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