Burundi : Comment se réinventer pour un idéal anti-corruption ?
Au Burundi, depuis 2005, un arsenal d’instrument juridique et d’organe de contrôle et de répression de la corruption ont été mise en place au Burundi. En analysant tous les efforts entrepris dans la tolérance zéro, plusieurs questions s’imposent. Quelles sont les raisons qui ont contribué à sa défaillance ? Y-aurait-il des stratégies particulières et innovantes fondées sur la non intervention étatique faut- il entreprendre pour juguler à la recrudescence de la corruption au Burundi ? Quelques réponses avec notre collègues ISHIMWE Jean Acutis
Selon le classement fait en 2021 par Transparency International, le Burundi est un pays classé à la 168ème sur 180 pays dans l’indice de la corruption au monde. Pourtant, depuis 2005 ; un arsenal d’instrument juridique et d’organe de contrôle et de répression de la corruption ont été mise en place. Considérant les formes de généralisations et de banalisations et la manière dont la corruption rentre dans le lot commun des négociations quotidiennes routinières des burundais, il nous convient de ne pas utiliser le terme « corruption » mais d’utiliser l’expression «complexe de corruption» comme le dit Olivier de Sardan pour souligner comment la corruption s’est insérée dans un même tissu de normes et d’attitudes sociales usuelles.( Olivier de Sardan, « L’Economie morale de la corruption », in Politique africaine, 63,p,97-116)
La routinisation et la banalisation du phénomène de la corruption
Presque tous les services (publics et privés) se tarifent actuellement à une forme de geste qui prend le sens d’un devoir moral pourvu que ça ne soit pas une rémunération tarifée ou négociée. Une grande partie de ce qu’on appelle la petite corruption est monnaie courante sous forme de cadeau au service rendu. Il suffit de chercher un document dans un service d’une façon urgente, c’est le même bénéficiaire qui pense au prix de l’encre (amazi y’ikaramu).
Qui plus un, il ne serait pas absurde d’imputer ce phénomène de la corruption à notre culture burundaise. Chaque individu est inséré dans de multiples réseaux (clan, famille, région), dont chacun est porteur de solidarités, et donc de pressions correspondantes. Par le biais de ces liens, la multiplication des interventions en faveur de tel membre du réseau devient progressivement le mode normal de gestion des dossiers et des cas et cela se consolident par des adages ou certains proverbes comme ibunyokorome uhashikanwa na nyoko (c’est grâce à sa mère qu’on arrive chez l’oncle maternel).
Les dispositifs anti-corruption mis en place finiront-ils de porter ses fruits ?
Oui, un pas significatif a été franchi avec la promulgation de la loi n° 1/12 du 18 avril 2006 portant mesures de prévention et de répression de la corruption et des infractions connexes. De nouvelles institutions spécialisées ont été mises en place, à savoir la cour anti-corruption, le parquet général près la cour anti-corruption et la brigade spéciale anti-corruption. Cependant, comme me disait un avocat rencontré, cette loi sur la corruption semble toucher les petites gens, qui ne sont pas de vrais corrompus, ceux qui volent un sac de ciment, un sac de riz, un militaire qui réclame dix mille francs sur la route. Donc, malgré la mobilisation pour la tolérance zéro, on voit un dispositif qui manque toujours d’indépendance.
En plus, ce dispositif anti-corruption ne semble pas toucher certains domaines comme les passations de marché publique. C’est pourquoi, un nouveau cadre harmonisé dans le cadre de passation de marchés publiques lieu soupçonné pour plus de corruption s’avère nécessaire, pour qu’il y ait une gestion transparente et efficace des finances publiques. Toutes ces réformes constituent des instruments permettant de réaliser les objectifs en matière de lutte contre la corruption et les infractions connexes.
Ainsi, au Burundi comme dans pas mal des pays africains se sont ainsi conjugués et cristallisés dans les classes dirigeantes une confusion de la chose publique et de la chose personnelle, ce qui par conséquent contribue à la recrudescence de la corruption parmi les dirigeants. Certains penseurs tentent de trouver une raison comme quoiles indépendances ont vu la construction précipitée d’une bureaucratie nouvelle prenant la place des colonisateurs, et soucieuse avant tout d’exercer ses privilèges à leur place, et d’asseoir son statut au plus vite. Ni la chose publique ni le service public n’étaient vraiment au centre des préoccupations. Ces notions morales ne semblent toujours pas être entrées dans les mœurs pratiques, soixante ans plus tard. (Guillaume Nicaise, Petite corruption et situations de Pluralisme normatif au Burundi, in Afrique contemporaine 2018/2(N ° 266), 193 -213).
La quête de l’idéal anti-corruption par les normes éthiques
Toutefois, bien que nécessaire, tout ce dispositif juridique reste insuffisant. Il leur faut un complément par la norme éthique. Ceci étant, la quête de la « tolérance zéro » peut trouver un excellent ancrage dans la norme éthique. Ici, il nous incombe de proposer des alternatives innovantes souvent ignorées voire négligées basées sur la non intervention de l’Etat.
Devant ce complexe de la corruption qui gangrène beaucoup de secteur du pays, les citoyens sont informés mais ne sont pas formés. Si nous considérons comment les systèmes traditionnels et certains codes culturels justifient la corruption et parviennent de l’ancrer dans la banalisation des pratiques quotidiennes. Il est temps de couper court à ces pratiques qui stipulent que chacun broute là où on l’attache (impene irishwa aho iziritse).
Pour ce, il y a une urgence de former les jeunes générations des citoyens au sens de la res publica (la chose publique). Normalement sans la chose publique, il advient une vie publique qui s’éloigne progressivement des principes, non pas simplement traditionnels mais de valeur traditionnelle, de la sagesse burundaise. Par cette sensibilité à la chose publique, il faut développer d’autres réflexes de dénonciation des actions et des personnes suspectées de corruption pour éviter d’avoir sans cesse la main au portefeuille. En sus, il est nécessaire que les populations soient initiées aux voies et procédures permettant de les associer aux décisions (collectivité territoriale). L’exercice du contrôle citoyen de l’action publique contre la corruption par le principe de la participation à la gouvernance devient une autre norme éthique nécessaire parce que la gestion au quotidien de leur collectivité semble échapper aux citoyens au profit d’une classe dirigeante.
En somme, la corruption est donc aussi dénoncée dans les mots qu’elle est pratiquée dans les faits. L’influence de la tradition et un certain syncrétisme culturel fait de la tolérance-zéro un cul-de -sac qu’il nous faut une génération décidée pour assurément impulser une dynamique nouvelle à la réalisation de l’idéal anti-corruption.
A propos de nous:
Institute for Economics and Enterprises est un Think Tank qui promeut la liberté économique et individuelle au Burundi en particulier et en Afrique en général.
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